Pour les 1ères et les terminales : Restitution écrite du spectacle musical A La ligne au Chato'do

 

Michel Cloup Duo et Pascal Bouaziz, spectacle musical A la ligne, Le Chato'do, le 8 octobre 2021 

Explications d'Éliane Le Port, Docteure en histoire contemporaine

Une tradition d'écriture ouvrière qui existe depuis le 19ème siècle.

Joseph Ponthus écrivait 2h après le boulot. Mise en forme poétique de son récit sans point à la ligne. L'écrivain fait rentrer la littérature dans son récit d'ouvrier à l'aide de différentes références littéraires avec notamment Apollinaire en exergue " C'est fantastique tout ce qu'on peut supporter".

Par rapport au 19ème siècle, la spécificité du récit d'ouvrier d'aujourd'hui, c'est le travail intérimaire sans poste fixe qui est révélateur de notre époque contemporaine, conséquence de la délocalisation et la désindustrialisation en France.

 

Explications des musiciens :

Comment s'est opérée la sélection des textes ? Il s'agissait de piquer des phrases du bouquin et de les agencer en gardant la trame narrative du livre, de créer une montée en intensité vers l'abattoir et de restituer la violence du livre par la musique.

Joseph participe au spectacle avec l'enregistrement de sa voix en reprenant une chanson de Boris Vian.

Parallèle du travail à l'usine avec la guerre : on y est jeté sans avoir fait d'études, rien de  prévu ni de  fléché.

 

Extraits des analyses du spectacle par les élèves de 1ère et terminale CAV :

Sur la répétition qui est un parti-pris artistique délibéré pour nous faire percevoir presque comme dans une transe l'abrutissement de la tâche à accomplir autant que la mécanisation aliénante du corps qui répète sans fin cette même tâche. Notre sensibilité de spectateur en prend un coup en n'étant pas ménagée avec ces mots et ces sons qui reviennent de façon lancinante- Mme Weil :

Les morceaux sont un poil répétitif mais tout cela est cassé par des musiques toujours rock mais différentes, plus fortes et plus douces, ce qui rompt l'ennui. (Clément)

Les mots répétés en boucle pendant 2/3mn étaient assourdissants et ce n'était pas du tout agréable à écouter. Je n'ai pas trop compris pourquoi ils ont choisi certains mots en particulier et pourquoi ils les ont répétés sur différentes tonalités…même si cette idée de répétition pour imiter les gestes au travail était bien trouvée. (Charlotte)

Les mots répétés montraient le fait que le travail est répétitif. (Héloïse)

Le point semi-positif que j'ai trouvé à ce concert, c'est la musique qui accompagne les paroles. Elle est certes redondante car elle ne change jamais de rythme (sauf quand les chanteurs crient leur rage) mais elle est bien jouée et finalement assez entrainante. Pour les paroles, je trouve que ce livre n'était pas fait pour être chanté, cela donne un aspect répétitif au concert. (Élisa)

Pour évoquer un ouvrier qui travaille à l'usine, les musiciens ont souvent répété une même suite d'accords. (Quentin)

 

Sur la pénibilité du travail :

À travers leur spectacle musical, les musiciens nous ont parlé d'un travail dur, compliqué, harassant. Un travail qui met à l'épreuve notre mental et où le burnout nous guette à chaque instant. (Quentin)

C'est intéressant ici car on perçoit dans le "nous" que Quentin emploie, l'identification du spectateur au ressenti de l'ouvrier, une façon pour les musiciens de nous mettre dans la peau du travailleur. Mme Weil

Les musiciens aussi jouaient à certains moments des accords puissants, bruyants qui peuvent évoquer la dureté du travail qu'il faut faire à l'usine. (Quentin)

Ce qui m'a marqué dans ce spectacle, c'est l'énergie que les musiciens dégageaient. Le spectacle vu au Chato'do était assez spécial, l'adaptation d'un livre en musique est un travail assez compliqué, le résultat est assez bien car on peut ressentir la difficulté et une sorte de rage due au travail à la chaîne. (Héloïse)

 

Sur la musique :

La musique accompagne les lignes du texte. Quand l'auteur dans son texte est calme ou épuisé, la musique sera calme et les accords chaleureux mais quand l'auteur s'énerve (comme avec l'histoire du tofu) la musique elle aussi s'emballe. (Quentin)

La musique rock est quelque chose d'assez violent comme le travail à la chaîne où ils ne voient que très rarement la lumière, avec les horaires et la difficulté physique. (Héloïse)

La musique apporte au texte une dynamique montrant le travail et le rythme qu'il impose. Elle peut aussi montrer une sensibilité. (Héloïse)

J'ai bien aimé l'instrumental qui était entrainant. Les musiciens jouaient très bien. Cela a donné un beau rendu agréable à entendre. (Charlotte)

Pour moi, la musique apporte encore plus de dynamisme au texte qui l'est déjà de par son style. Au début, je trouvais que ça ne sonnait pas très bien avec le texte de par la répétition et une reprise brute du texte mais au fil du temps, on s'y habitue. Cela rend bien avec le texte. (Clément)

 

Sur le chant et les voix parlées qui ont soulevé de nombreuses interrogations de la part des élèves, peut-être parce que cela se refuse à être quelque chose d'harmonieux et de mélodieux qui aurait été certes plus agréable à entendre mais moins approprié pour restituer l'âpreté de cette voix d'un ouvrier qui s'apparente plus à un cri qu'à un chant. Mme Weil

Les musiciens étaient bons mais je ne pense pas qu'ils soient super doués en chant. De plus, le fait de ne pas réarranger les phrases du livre n'a fait qu'empirer l'aspect du chant dans le concert. (Hugo)

J'ai trouvé le spectacle assez spécial. La musique et la manière dont sont chantées les paroles du texte montrent la difficulté, la colère et l'ennui de travailler en usine en tant qu'ouvrier. (Élisa)

 Les paroles du texte juste citées par les différentes voix aux différents moments du spectacle rajoutent plus de profondeur à ce que les musiciens ont fait. Pour ma part, je n'ai pas accroché au concert car je suis sans doute plus habituée à des concerts où les chanteurs chantent sur des textes moins difficiles à mettre en musique. (Élisa)

Les parties lues du livre style slam étaient une bonne idée mais je trouve que ça ne rendait pas très bien avec la musique rock et je n'ai pas eu l'impression que c'était vraiment en rythme. (Charlotte)

Cette rupture de rythme à certains moments est peut être un parti-pris esthétique ! Mme Weil

(…) J'ai tout de même trouvé les parties instrumentales très bonnes mais j'avoue avoir eu du mal à comprendre leur démarche artistique avec le livre, qu'ils n'ont fait que nous lire sur scène avec une musique en arrière-plan. (Hugo)

 

Sur la scénographie :

La scénographie est incroyable. Elle est présente lors de tous les morceaux mais plus douce avec des lumières qui varient moins quand elles ne sont pas toutes utilisées alors que lorsque les morceaux sont très énergiques, toutes les lumières s'allument. Attention aux épileptiques ! Les lumières clignotent sans arrêt et tout ça en accord avec la musique. Plus c'est fort et plus on va vers le trash (boucherie). Plus la musique est forte et la lumière chaude, les lumières variées et énergiques. (Clément)

(…) il y a aussi eu de grosses lumières éblouissantes parfois même stroboscopiques, pour montrer peut-être l'immensité de l'usine ou la démence qu'elle peut provoquer. (Quentin)

J'ai trouvé  ce spectacle très intéressant, j'aimais bien les morceaux qu'ils jouaient et la manière qu'ils ont trouvé pour mêler son, éclairage et texte original est plutôt astucieuse (et d'ailleurs je pensais que si les cordes au bout de leurs guitares n'étaient pas coupées, c'était probablement pour signifier quelque chose. Je pensais que cela avait un rapport peut-être avec l'usine, son côté mal entretenu (mais je pars un peu trop loin dans l'interprétation je pense). (Quentin)

(…) la scénographie renforce la dureté des mots de Ponthus ainsi que la saleté, la dureté de ce qu'il traverse. (Clément)

(…) les instruments et les lumières collent bien ensemble. (Kevyn)

 

L'avis de Félix d'un seul bloc (car tout y est imbriqué) :

J'ai vraiment aimé ce concert. Il était particulièrement beau. La mise en scène avec ses lumières qui mettait en valeur les musiciens m'a captivée tout le long avec ces mêmes musiciens qui savaient parfaitement comment se placer sur la scène.

Musicalement, les paroles bien que non écrites par eux, étaient bien adaptées. La ligne narrative n'était pas toujours claire mais on comprend et on ressent les émotions véhiculées par l'œuvre originale. Le trio marchait vraiment bien. Le batteur était un peu en retrait, ce qui est dommage à mon avis.

J'ai moins apprécié les passages non pas chantés mais parlés qui me faisaient trop penser au slam, un genre qui ne fait pas partie de mes favoris. On sentait clairement l'inspiration Noir Désir, cela n'était pas pour me déplaire. Je ne serai pas opposée à réécouter certains de des morceaux, notamment celui sur l'abattoir qui était très marquant surtout par rapport à mes convictions. En bref, un concert culturellement parlant et intéressant pour les élèves de CAV que nous sommes.

 

Extraits musicaux librement adaptés du livre :

  

Travailleurs de l’usine :


À quoi pensent mes collègues
en triant leurs crevettes
quelles chansons entêtantes
encombrent leurs crânes

ou prennent-ils plaisir à fredonner ?


J’entends parfois à travers les bouchons d’oreille
et le bruit sourd de l’usine
monter du Balavoine du Christophe Maé
se demandant où est le bonheur
du Véronique Sanson
Des gens populaires


Sous les masques
Quelle est leur vie
derrière les gestes automatiques
les entraides ouvrières
Autant de crevettes
Autant de questions
Quoi qu’ils chantent
Qu’ils se posent
Ou non
Des questions existentielles
en triant leurs crevettes
Travailleurs de l’usine
Je serai des vôtres
Travailleurs de l’usine
Je serai des vôtres
Travailleurs de l’usine
Je serai des vôtres


Travailleurs de l’usine
Je serai des vôtres
Travailleurs de l’usine
Je serai des vôtres
Travailleurs de l’usine
Je serai des vôtres

 


Le Tofu :


Égoutter du tofu
Je me répète les mots sans trop y croire
Toute la nuit je serai un égoutteur de tofu
Je me dis que je vais vivre une expérience parallèle
Dans ce monde déjà parallèle qu’est l’usine

Égoutter du tofu
Je me répète cette phrase
Comme une formule magique
Égoutter du tofu
Je me répète cette phrase
J’égoutte du tofu
Je me répète cette phrase
Comme un mantra


Les gestes commencent à devenir machinaux
Cutter
Ouvrir le carton de vingt kilos de tofu
Cutter
Ouvrir les sachets
Une fois le tofu égoutté
Je le mets dans une cuve
dans un coin de l’atelier


Celui qui n’a jamais égoutté de tofu
pendant neuf heures
ne pourra jamais comprendre


Je pense que le tofu c’est dégueulasse
et que s’il n’y avait pas de végétariens
je ne me collerais pas ce chantier de fou de tofu
J’égoutte du tofu


J’égoutte du tofu

  

NB : Un mantra, c'est une phrase «ancrage» qui vous aide à garder votre esprit concentré sur ce qu'elle signifie.

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